mercredi 2 novembre 2016

La conscience: prise directe sur le vivant


Le pêcheur marche tranquillement sur le trottoir dans un quartier de sa ville natale mouvementé. Beaucoup de personnes déambulent devant lui. Il en croise quelques-unes qui se dirigent avec empressement vers il ne sait où. Même si personne ne parle, il peut lire les expressions subtiles de leurs conversations intérieures sur leur visage. Il se dit en lui-même :

« Comme ces gens semblent perturbés et habités par toutes sortes de préoccupations. Leurs pas les emportent vers quelques lieux et leurs pensées vers d’autres. Comme séparés entre un monde extérieur et un autre intérieur ».

Il se demande alors : « Suis-je différent de ces individus ? » et il fait rapidement le constat : « Non. Je suis comme ceux-ci et parmi ceux-ci. Je me balance entre cet « in » et cet « out», dans un mouvement incessant. C’est en référence à ce mouvement que je crois justifier ma vie. Je m’identifie à ce mouvement. Comme si c’était moi qui suis tantôt ce que je vois, ce que j’entends et toutes les idées que je crois être l’expression de ce que je pense. Je suis perturbé sans cesse et me perds dans tout ce bruit ».

Prenant une pause entre toutes les pensées qui défilent dans sa tête, il distingue cependant lui-même à travers tout ceci et il s’exclame avec une joie intense : « dans tout ce mouvement, il y a quelqu’un qui perçoit ce qui se passe. Il y a une présence qui voit tout et qui prend ce moment d’arrêt pour percevoir et ressentir. Serais-je celui qui perçoit ? Est-ce que c’est ce qu’on nomme la conscience en chaque Être qui se manifeste à cet instant précis ? ».

Continuant de marcher, il poursuit sa réflexion avec fébrilité en essayant de ne pas quitter sa concentration sur ce ressenti de conscience. Il en vient à constater : « La conscience est toujours présente en moi, je la ressens, elle demeure là. Les images extérieures, les événements de la vie, de ma vie et de celle des autres défilent par milliers devant moi et elle reste là sans en être affecté, sans bouger. Je pourrais faire le tour du monde, aller dans les lieux les plus spectaculaires, la conscience va demeurer présente sans bouger en tout temps. J’ai grandis, j’ai vieillis. Me voilà rendu au seuil de ma soixante-dixième année et pourtant la conscience n’a jamais vieilli. Des tempêtes peuvent se lever en moi, les multiples émotions que j’ai au quotidien peuvent venir et jamais la conscience va broncher d’un brin.

Ce que j’en comprends, c’est que la conscience n’est pas un jugement ou une appréciation de ce qui se passe devant moi ou en moi, elle est présence à ce qui se passe ou ne se passe pas. La conscience est là mais souvent je l’ai oublié, masquée par de multiples mouvements dans ma tête ou à l’extérieur de moi. C’est vrai pour moi et pour les tout le monde également. 

Alors puis-je dire que j’ai une conscience en moi et que je peux m’y référer quand j’en ai besoin ? Ou encore puis-je dire que je suis la conscience et que finalement celle-ci serait ce Soi, cet Être qui est en moi, Dieu en moi ? »

Après quelques minutes à marcher, le pêcheur arrive finalement devant chez lui, il entre et se sert un grand verre d’eau froide. Se dirigeant ensuite sur le balcon qui donne sur la cour arrière de sa petite maison, il s’assoie, quelque peu éreinté, dans sa bonne vieille chaise craquante. Le vacarme de la ville fait maintenant place au calme de son quartier. Seuls le son de petits oiseaux et de la brise effleurant les feuilles des érables se rendent jusqu’à ses oreilles.

Portant son verre à ses lèvres, il ressent aussitôt la fraîcheur de l’eau pénétrer lentement dans sa bouche, parcourir sa gorge, jusqu’à rafraîchir son estomac. Prenant conscience de ce simple geste, il exprime une longue expiration de profond soulagement. Au-delà de cette perception par ses sens, il plonge dans une méditation intérieure sur la richesse de cette eau et se dit : « Quand je bois de l’eau, il m’est possible d’avaler celle-ci en pensant à autre chose et en n’en faisant pas de cas. Pour plusieurs, il n’y a rien d’extraordinaire à prendre de l’eau. Cependant en ce moment, je songe à combien de personnes n’ont pas accès à une eau potable sur la planète. Combien de personnes vont s’empoisonner dans la minute car leur eau est pleine de coliformes et de produits chimiques. Combien de maladies sont propagées par les eaux. Mon verre d’eau prend une tout autre importance quand je prends conscience de la chance que j’ai d’y tremper mes lèvres sans craindre que ma vie soit en jeu. Cette eau contient aussi les minéraux nécessaires à mon organisme pour maintenir la vitalité de mes organes et de mes muscles. Elle provient d’une mécanique complexe de la nature qui, par sa grande générosité, me permet de vivre. Si je suis en vie, c’est grâce à ce verre d’eau. Sans compter toutes les infrastructures construites au fil des années par les êtres humains pour que je puisse m’abreuver de ce précieux liquide. Dorénavant, je me servirai de ma conscience pour être attentif à la grandeur des simples gorgées d’eau vitales à mon existence ». 
 


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