jeudi 28 décembre 2017

Le pouvoir transcendant de l’attention

Le pêcheur se lève très tôt ce matin. Il a décidé de se rendre sous l’arbre près du quai pour voir le soleil se lever au-dessus de la mer. Après une courte, mais intense période de méditation, il enfile ses souliers de marche, sort à l’extérieur et prend le chemin vers l’endroit prévu.

Pas si tôt sur le trottoir, il respire doucement le doux parfum des feuilles d’érables entremêlé à l’arôme des fleurs de lilas transportés jusqu’à ses muqueuses nasales par une subtile brise d’été.

Après quelques pas, il baisse les yeux et s’aperçoit qu’une chenille arborant un doux manteau jaune et noir, se déplace en ondulant juste devant lui. Il la voit à peine, car seule la lumière d’un lampadaire éclaire l’insecte à cette heure matinale. Elle s’arrête comme pour le regarder, mais ce qu’elle fait est tout autre. Le pécheur s’accroupie sur ses genoux, comme pour mieux découvrir ce qu’elle fait réellement. Il se dit en la voyant plus clairement :

Le pêcheur : Elle ne me regarde pas du tout. Elle est en train de manger un petit morceau d’herbe. Je me suis fait prendre par les couleurs de son camouflage. J’ai eu le réflexe d’essayer d’expliquer moi-même ce qu’elle faisait, mais je me suis laissé étourdir par mes propres interprétations.  Et il poursuit : c’est fascinant de voir comment la vie s’exprime de multiples manières. J’ai ma réalité vivante et le monde animal et végétal ont aussi leur propre réalité. A travers cette diversité, c’est la vie, le vivant qui se déploie.

Après quelques secondes d’observation sans commenter ce qui se déroule sous ses yeux et les jambes quelque peu endolories, il se relève difficilement, évite de mettre son pied sur ce minuscule être vivant et continue sa marche.

Regardant au loin, il voit l’horizon qui découvre un mince filet de lueur annonçant lentement le lever du soleil. Plus il avance, plus il distingue les formes foncées des nuages se confondant avec les reliefs des montagnes. La clarté montante révèle graduellement d’elle-même la singularité des formes. Le pêcheur se fait la remarque.

Le pêcheur : Pourquoi je tente de définir et de décrire en moi-même, ce que la vie me présente dans toute sa générosité et ses propres nuances. À toutes les fois que je décris ce que je vois ou ce que je ressens, je limite par mes interprétations la Vie qui se manifeste.

Comme rythmé par chacun de ses pas l’amenant jusqu’au quai, la lueur se fait de plus en plus présente jusqu’à ce qu’il perçoive enfin le soleil lui-même surplomber la montagne au loin. Celui-ci éclaire maintenant le ciel et, dans un même mouvement, son reflet sur l’eau présente une large bande lumineuse bercée par les vaguelettes. Le cercle jaune céleste dansant ainsi avec le liquide terrestre.

Le pêcheur : Wouaw…quel présent magnifique m’est révélé ce matin par la puissance du déploiement de l’existant. De constater le pêcheur.

Alors qu’il rejoint l’arbre près du quai, un événement incroyable se produit. En regardant cet arbre, qu’il a pourtant vu de multiples fois, il le perçoit tout à coup dans toute sa plénitude. Il en voit les moindres détails et avec une clarté indescriptible. Il a même l’impression de transcender l’idée qu’il a de cet arbre, et de rejoindre celui-ci comme s’il en faisait partie et comme si ce dernier faisait partie de lui. Comme s’il était en osmose ou fusionné avec ce qui se présente devant lui. Cette intense expérience le transporte au sommet de l’embrassement de la conscience vivante qu’il ressent dans toute sa grandeur. Ceci lui procure simultanément un sentiment de profonde sérénité et de joie intense. Il a l’impression d’être la vie qui entre en pure intimité avec le vivant.

Alors que cette sensation diminue, il s’assoie doucement sous l’arbre et prend un moment pour s’essuyer les larmes qui ruissellent sur ses joues.

Le pêcheur : La luminosité du vivant ne passe-t-elle pas par cette attention transcendante ? de se questionner le pêcheur sur ce qu’il vient de vivre. N’avons-nous pas ce pouvoir à portée de main lorsque nous laissons l’attention s’ouvrir à ce qui est ?
 
 

samedi 16 décembre 2017

Sortir du manque d’enthousiasme

Et le passant se lève en disant au pêcheur :

La passant : C’est bien beau tout ça, mais il est temps d’aller me dégourdir un peu les jambes.

En regardant sa tasse de thé, il s’aperçoit qu’il n’en reste plus une seule goute. Il s’exclame :

La passant : Eh bien, qui aurait cru qu’un jour je boirais une tasse complète de thé à la camomille. Ça ne me ressemble pas du tout. Surtout, n’en parlez à personne, on pourrait se moquer de moi et j’ai en horreur d’être le dindon de la farce.

Le pêcheur répond :

Le pêcheur : Je vous le promets…j’aurais aimé vous offrir une bonne bière froide, mais c’est tout ce que j’avais.

Le passant, se baissant la tête, comme pour dissimuler son commentaire et ne pas être vu par personne, chuchote à son vis-à-vis :

Le passant : C’était finalement très bon ce goût de fleur et ça m’a permis aussi de me détendre…je ne dis pas que je ne renouvellerai pas l’expérience un autre jour.

Le pêcheur : Vous êtes toujours le bienvenu, de dire le pêcheur.

Avançant lentement sur la galerie du pêcheur, le passant descend les deux premières marches de l’escalier et s’arrête brusquement, il se tourne vers son hôte et lui demande une dernière question :

Le passant : Hey…dites-moi une chose, êtes-vous toujours aussi enthousiaste. Vous êtes souriant et passionné par tout ce qui vous entoure. Une simple fumée d’un thé chaud vous suffit à vous procurer de la joie alors que ceci est banal pour la majorité des gens.  Il me semble donc que je suis sombre à côté de vous. Ne trouvez-vous pas ?

Le pêcheur : L’enthousiasme est un mode de vie pour moi.

Le passant : Oui peut-être, mais il y a bien des problèmes auxquels vous avez eu ou vous avez présentement. Ceci ne vous assombris pas la vie à certains moments ?

Le pêcheur : Ce n’est pas parce qu’il y a des nuages, que le soleil n’existe pas pour autant !

Le passant : Oui peut-être, mais il y en a qui sont plus épais que d’autres et certains qui restent suspendus au-dessus de nos têtes des moments interminables. Et puis de toute façon la vie n’est pas comme des nuages. Vous allez me servir qu’ils passeront un jour. Mais pour plusieurs personnes leurs conditions de vie n’ont aucune issue. Comment pourrait-on alors leur servir la comparaison des nuages et du soleil ? Ça me parait invraisemblable.

 Le pêcheur : Vous avez bien raison. La vie n’est pas comme les nuages qui passent. Je vous donnais cette image simplement pour vous dire que l’enthousiasme peut être présent même s’il y a des obstacles qui sont parfois insurmontables. Et non je ne pousserai pas l’image jusqu’à dire : ne t’en fais pas, tu vis ceci aujourd’hui et ça passera demain. Cette réponse est de peu de secours car les problèmes ont leurs propres réalités et leurs propres durées. Demeurer positif peut donner l’énergie nécessaires pour faire face à certaines situations et même les surmonter, mais ce n’est pas la solution miracle à tous les maux.

Le passant : Comment en avez-vous fait votre mode de vie alors ? Est-ce que c’est parce que vous ne voulez jamais regarder ce qui va mal. Donc, est-ce que c’est en vous bouchant les yeux que vous réussissez à demeurer dans cet état d’enthousiasme ?

Le pêcheur : Non…à ce qu’il me semble, j’ai les yeux grands ouverts. De répondre le pêcheur en souriant. Je crois que c’est parce que je regarde les événements de la vie pour ce qu’ils sont. Sans leur surajouter une description de malheureux. J’ai réalisé que la vie nous apporte de multiples événements qui sont rarement ceux que nous pensions. Nous aimerions que la vie soit une vaste étendue d’eau calme sur laquelle il n’y a jamais présence de bouraques de vents ou de vagues indomptables.

Le passant : Ça serait si plaisant de vivre comme ceci. Jamais de problème. Toujours à se la couler douce sans perturbations ni douleurs !

Le pêcheur : Peut-être, mais ceci n’est pas la réalité. Ce n’est qu’une illusion de ce que devrait être la vie, mais n’est pas la vie elle-même. Nous résistons beaucoup à ce qui est, justement parce que nous comparons le vivant avec l’idée que nous en avons. C’est cette résistance à ce qui est qui attire notre attention à plusieurs moments et quelquefois en permanence sur ce qui nous perturbe. Le résultat étant de nous assombrir la vie. Ce n’est pas vous qui êtes sombre, c’est la déception et la non acceptation de ce qui est auquel vous vous accrochez qui vous maintient dans ce mode de vie assombri.

Le passant : Il est vrai que lorsque je me compare à vous, ma vie n’est pas aussi passionnée. J’ai souvent plusieurs pensées négatives qui m’obsèdent sur ma situation ou sur la situation des autres personnes. Je ne trouve pas la force de m’enthousiasmer, c’est plutôt la révolte et la colère qui font partie de mon quotidien. Je trouve que la vie est injuste et qu’elle n’est vraiment pas réjouissante la plupart du temps. Je retrouve cette lassitude et le manque d’enthousiasme sur plusieurs visages également. On dirait que la vie a perdue de sa saveur et de cette passion que vous parliez concernant le réanchantement.

Le pêcheur : L’enthousiasme se cultive et se récolte une graine à la fois. Vous pouvez planter une graine par mois, une par semaine, une par jour. Arroser le tout avec l’eau de votre attention et de votre détermination. Vous serez surpris de constater comment la vie se chargera de donner force aux racines sur lesquelles une multitude d’arbres gorgés de fruits  s’érigeront pour former le vergé de l’enthousiasme de votre vie.

Le passant : Le problème c’est que je ne trouve pas les graines de l’enthousiasme. En avez-vous en réserve ?

 Le pêcheur : Vous savez, je vous ai trouvé très enthousiaste lorsque vous m’avez révélé avoir bu toute votre tasse de thé à la camomille. Vous avez même eu en vous une attention suffisante pour apprécier ce goût de fleur et l’effet calmant de ce simple liquide. N’était-ce pas une de ces graines d’enthousiasme ?



 

jeudi 17 août 2017

Dépasser l’urgence de vivre


De retour au bistro sur l’heure du dîner, le pêcheur s’assoit à la seule table disponible. En repoussant légèrement les restes de nourriture du client précédent, il attend que la serveuse vienne nettoyer et dresser la table. Comme il constate qu’elle est affairée à servir plusieurs clients, il ne se formalise pas de la situation et choisit plutôt de contempler le magnifique décor extérieur qu’il perçoit par la fenêtre.

Son attention est cependant perturbée par les mouvements dans le restaurant et surtout par les actions de nervosités et d’inattention de la femme. Celle-ci parle fortement, sert les clients avec empressement et à quelques reprises, bouscule une chaise ou échappe une assiette.

Le pêcheur se fait la réflexion suivante :

Le pêcheur : Elle a bien changé depuis que je l’ai rencontré il y a deux semaines. Elle était très calme et prenait soin de chaque geste envers les clients. Mais voilà que l’ambiance de ce petit bistro s’est transformée avec la présence d’énergies perturbatrices. C’est peut-être parce qu’il y a beaucoup de personnes et qu’elle est un peu débordée.

Après environ 10 minutes, la serveuse se rend compte que son client près de la fenêtre n’a pas été répondu. Elle se dirige vers lui avec les bras chargés d’assiettes et lui dit qu’elle revient tout de suite le servir et s’en retourne vers les cuisines pour en ressortir cinq minutes plus tard. De retour à la table du pêcheur, elle ne fait aucunement allusion au nombre de personnes à servir, mais s’exprime plutôt de la manière suivante :

La serveuse : Je suis désolé, tout va trop vite aujourd’hui. On dirait que j’ai perdu le contrôle de la salle à dîner.

Sans même dire bonjour, elle se met à prendre la commande de son client, tout en ramassant d’autres assiettes sur les tables adjacentes et elle replace les sachets de sucre dans leur contenant.

La serveuse : Qu’allez-vous prendre ? Tout en continuant de bouger continuellement.

Le pêcheur de répondre :

Le pêcheur : Servez-vous encore des déjeuners ? Je prendrais deux œufs tournés, crevés et bien cuits, avec des rôties pain brun et un bon café doux s’il vous plait.

La serveuse ne prend aucune note et repart vers la cuisine mais fait demi-tour après seulement dix pas. Elle demande des précisions sur la commande :

La serveuse : Vous m’avez bien dit un œuf tourné et non crevé avec des rôties au pain brun.

Comme le pêcheur a perçu l’inattention, il s’attend à ce questionnement et lui répond gentiment avec un sourire :

Le pêcheur : Non, deux œufs tournés, crevés et surtout bien cuits. Je n’aime pas le jaune d’œuf liquide dans mon assiette.

Sans même lui laisser finir sa phrase, elle retourne vers la cuisine pratiquement en criant la commande au cuisinier et revient ensuite avec l’assiette et la tasse de café. Le client n’est pas surpris de constater qu’il y a seulement un œuf tourné et non crevé dans l’assiette.

Après avoir avalé rapidement son déjeuner, sans même avoir toucher à son œuf, le pêcheur laisse le montant de la facture et le pourboire sur la table et quitte le bistro.

De nouveau à l’extérieur, le calme contraste avec le bruit dans lequel il était il y a quelques minutes. Il décide de prendre un moment de repos sur le balcon du bistro dans une grosse chaise en bois rond verni. À cet endroit, il peut enfin retrouver le contact avec la nature et son rythme berçant.

À la fin de la période de dîner, les personnes quittent une à une l’endroit qui devient pratiquement désert.

La serveuse sort également du bistro et se laisse choir dans l’autre chaise près du pêcheur en disant :

La serveuse : Ouf… je suis complètement vidée. Je vais prendre une petite pause avant de retourner chez moi.

Le pêcheur : Oui vous aviez l’air débordé avec le restaurant rempli de la sorte.

La serveuse n’étant pas d’accord avec cette affirmation, elle répond :

La serveuse : Non… c’était un dîner comme d’habitude. Pas plus de personnes que dans les deux jours précédents. Je n’étais pas débordée. J’étais distraite par rapport aux multiples choses que je m’apprête à faire dans les prochains jours.

Ce soir je sors avec mes amies de filles. Demain je prends une journée de congé et je passe la journée au zoo avec ma fille et les deux petites voisines. Le soir même je vais à un spectacle extérieur et en fin de semaine je pars pour quelques jours en voyage dans le sud. En revenant, je m’inscris à des cours de Zumba. J’aimerais bien faire aussi au moins un saut en parachute dans ma vie, mais ce sera pour un peu plus tard. Pour tout faire ceci, je vais être obligée d’envoyer ma fille à la garderie du coin. Elle va s’habituer. Du moins, elle n’aura pas le choix car j’ai décidé de prendre ma vie en main et de faire plein de choses.

Le pêcheur : Vous sentez le besoin de faire toutes ces choses ? Puis-je vous demander qu’est-ce qui vous incite à tout ceci ?

La serveuse : Bien sûr. Et elle s’avance en s’appuyant les coudes sur ses genoux dans l’intention de convaincre son interlocuteur. Elle ajoute :

La serveuse : Je ressens en moi l’urgence de vivre. J’ai maintenant besoin de profiter de la vie et de faire et découvrir plein de choses. J’ai pris cette décision il y a une semaine, suite à un événement qui m’a complètement bouleversée. J’ai appris qu’une de mes grandes amies était très malade. J’ai su qu’elle était décédée, la journée qui a suivi ma visite auprès d’elle à l’hôpital. Vous rendez-vous compte, elle s’est en allée à seulement trente-quatre ans… c’est incroyable ! Ceci m’a complètement chavirée et je me suis dit que j’allais profiter de la vie pendant qu’elle passe. Je me suis donc fait une liste de toutes les choses que j’aimerais faire et que je n’ai jamais faites et je vais les faire.

Suites à ces paroles prononcées avec conviction, un long silence s’installe. Il demeure cependant un infime doute dans la tête de la serveuse et elle profite de la présence du pêcheur pour valider la pertinence de son orientation.

La serveuse : Trouvez-vous que d’agir ainsi est une bonne manière de faire face à l’urgence de vivre ?

Le pêcheur : Mmm…je ne suis pas certain que vous soyez disposée à entendre ma réponse. Vous m’avez l’air si déterminée à poursuivre en ce sens.

La serveuse : Si je parle de cette manière, c’est un peu pour me convaincre moi-même. Il y a un petit quelque chose en moi qui me dit que ce n’est peut-être pas la bonne chose à faire. Mais je lutte pour me faire croire le contraire. Alors, j’essaye d’étouffer cette tendance en moi à avoir peur de foncer. Mais par curiosité, j’aimerais bien savoir ce que vous en pensez. Je ne changerai probablement pas d’avis, mais cela peut être aussi bénéfique d’écouter d’autres opinions que les miennes. 

Après une longue hésitation à donner son idée sur ce sujet, le pêcheur accepte après-tout d’émettre sa vision de la chose.

Le pêcheur : Je crois qu’il est tout à fait normal pour les gens de faire des activités et de se divertir. Ceci permet d’évacuer des tensions du quotidien et de découvrir plein de choses nouvelles. C’est même très sain de s’exprimer dans des activités différentes. Établir des listes d’activités ne fait donc pas problème et chacun peut égayer sa vie de la façon qu’il le veut bien.

La serveuse : J’ai donc raison de réagir de la sorte et de vouloir faire face à cette urgence de vivre qui m’habite maintenant.

Le pêcheur : Et bien, c’est là que je mettrais un petit bémol. Mais avant de le faire, je vous demanderais ce que vous entendez par l’expression urgence de vivre.

La serveuse : L’urgence de vivre veut dire qu’il est urgent ou en d’autres mots qu’il faut se dépêcher de vivre et de faire des choses avant de mourir. La vie passe vite et je n’ai pas envie de me retrouver dans un lit d’hôpital à l’article de ma mort sans avoir fait plein de choses.

Le pêcheur : Est-ce qu’il faut entendre par ceci que faire plein d’activités doit nécessairement être synonyme de combler cette urgence de vivre ?

La serveuse : Cela peut sûrement me permettre au moins de faire plein de découvertes que je ne connaissais pas et de vivre des expériences qui peuvent rendent ma vie plus intéressante et plus passionnante.

Oui, plus nous en parlons et plus je crois que c’est la bonne direction à prendre. Je suis cependant curieuse de savoir qu’en est-il de votre petit bémol comme vous l’avez mentionné.

Le pêcheur explique celui-ci :

Il est vrai que certains événements peuvent être des déclencheurs sur une prise de conscience que la vie est importante et qu’il faut profiter de celle-ci pendant qu’elle est là. La mort notamment est une formidable porte qui s’ouvre parfois sur cette prise de conscience.

L’urgence de vivre peut toutefois reposer sur une anxiété et sur une croyance qu’il faut absolument se mettre en action avant qu’il soit trop tard. C’est une mise en action conditionnée par la crainte et non pas par la rencontre directe avec la vie. La peur peut créer une fixation sournoise à l’intérieur de la personne et l’emprisonner dans ses exigences. Cette dernière se sentant dans l’obligation d’agir. Le sens de sa vie va bientôt s’ancrer à ce besoin insatiable d’être en action dans des activités nécessitant des stimulations constantes.

Plutôt que de vivre en toute liberté, la personne utilisant cette idée d’urgence de vivre se retrouve dans une course sans issue vers la prochaine chose à faire. Aussitôt qu’une activité est réalisée, la ligne est cochée et il faut rapidement passer à la suivante. La vie devient un feu roulant de mouvements et un tourbillon qui étourdit. La personne perd ainsi ses repères. Elle croit que ces activités lui conviennent car elles reflètent ses passions et sa soif de découvertes, mais il peut en être tout autre.

La serveuse : Quelles en sont selon-vous les conséquences ?

Le pêcheur : Contrairement à l’intention première de la personne de vivre plus intensément, l’urgence de vivre peut provoquer un bond vers l’avant précipité et quelquefois brutal. La personne se met à vouloir faire plein de choses qu’elle n’avait pas fait jusqu’à maintenant. Sauter en parachute, escalader une montagne, faire des voyages exotiques, quitter son emploi et même se séparer de ses proches pour vivre sa vie plus à fond.

Une des conséquences est que la personne peut se refermer sur ses propres désirs et négliger ou même rejeter son mode de vie ou les personnes autour d’elle. J’ai connu des personnes qui exprimaient envers les autres cette orientation de vie par des phrases qui ressemblent à celles-ci :

·        Laissez-moi vivre ma vie !

·        Vous ne comprenez pas comment c’est important pour moi !

·        Vous êtes trop ancrés dans votre petite vie et vos routines, moi j’ai le goût de l’aventure et de me réaliser dans tout ce que je vais entreprendre !

·        Si vous ne me suivez-pas, c’est dommage pour vous, mais moi je fonce, que vous me suiviez ou non !

·        Occupe-toi du petit ou de la petite, moi j’ai mes activités !

·        Tu ne m’empêcheras pas de faire ceci ou cela !

·        Je ne t’écoute pas car je suis rendu ailleurs et toi tu ne peux pas me suivre !

L’idée d’urgence de vivre peut aussi nous amener à banaliser plusieurs de nos activités quotidiennes. Elle peut faire en sorte que nous ne sommes plus pleinement investis dans notre travail ou dans les activités que nous partageons avec d’autres personnes par exemple. Elle peut nous amener à négliger nos responsabilités, à perdre le sens du respect envers les autres, à nous éloigner de nos ami-es ou des membres de notre famille.

Certains ou certaines peuvent finir par croire qu’il ou elles sont devenus-es tellement importants-tes que ce ne sont que leurs décisions et leurs plaisirs qui doivent prôner. Le portrait de ce bémol est peut-être sombre, mais il est bien réel. Voici où l’urgence de vivre peut mener. Elle peut même avoir l’effet d’une drogue puissante qui nous empoisonne en croyant qu’elle nous fait du bien. La personne devenant une junkie de l’urgence de vivre. Ce petit bémol est donc une mise en garde des effets néfastes de l’illusion d’une quelconque urgence de vivre.

La serveuse pensive, réfléchit à haute voix :

La serveuse : Mais, l’urgence de vivre n’est-elle pas pour plusieurs personnes un moment où elles prennent conscience de leur insatisfaction face à la vie ? Des personnes condamnées par la maladie ne peuvent-elles pas par exemple retrouver un nouvel élan, une seconde vie ? Des gens malheureux et éloignées de leurs rêves ou passions ne peuvent-ils pas enfin se choisir enfin et s’éveiller à eux-mêmes ? L’urgence de vivre n’est-elle pas une occasion d’une puissante prise de conscience de la nécessité d’un changement important ?

Le pêcheur : Vous avez raison sur plusieurs points. Certaines personnes ont pu, grâce à une prise de conscience de l’urgence de vivre comme vous le mentionnez, commencer à mieux écouter ce qu’elles voulaient vraiment faire ou être dans leur vie. Une femme ou un homme ayant la sclérose en plaque ou un cancer ont pu escalader une montagne avant que leurs états se détériorent. Il y a de multiples exemples de la sorte. Si la personne décide de faire une activité ou s’orienter dans ses passions les plus profondes ou changer certaines choses dans son quotidien, ceci peut être très salutaire et apporter des énergies très positives à soi et en même temps aux autres.

Cependant, ce n’est surtout pas en s’étourdissant dans de multiples activités que nous pouvons retrouver ce qui vibre le plus fortement en nous.

La serveuse : Alors, quoi faire pour profiter pleinement de la vie d’une manière saine et en pleine liberté sans tomber dans les effets négatifs de l’urgence de vivre que vous avez mentionnés plus tôt ?

Le pêcheur : Les gens ont malheureusement confondu l’intensité de la vie avec le fait de réaliser des choses ou faire des activités. Plutôt que de se tourner vers le mouvement extérieur, c’est au contraire l’occasion de faire le calme à l’intérieur de soi. Ceci peut nous permettre de mieux identifier ce qu’on a réellement besoin pour se sentir plus vivant. L’intensité de la vie, le vivre plus pleinement est proportionnel à notre présence aux vibrations profondes qui nous habitent.

Se mettre en action pour un projet de vie ou quelque chose que nous voudrions vraiment réaliser est différent que de rechercher l’action et le mouvement perpétuel. Pour découvrir ce qui est à la source de cette volonté de changement, il faut dépasser l’idée commune de l’urgence de vivre. Il faut plonger en soi-même.

Nos vibrations et nos repères sont dans ce que nous ressentons profondément à chaque instant. Nul besoin de nous étourdir et d’étourdir toutes les personnes qui nous sont chères, dans des tornades d’activités dans lesquelles elles ne peuvent plus nous suivre. Vous savez, tôt ou tard, nous nous retournons vers ces êtres et nous constatons que ce qui nous fait le plus intensément vibrer en cette vie, c’est ce que nous partageons dans notre quotidien avec ceux-ci.

Vivre plus intensément c’est aussi regarder tout ce que nous réalisons au quotidien avec un regard nouveau. Ce n’est pas les choses mais la façon que nous les regardons et les ressentons qui donne plus de relief et plus d'intensité de vie. Quand nous sommes plus présents à ce que nous sommes en train de faire, nous devenons plus attentifs à ce qui se manifeste et aux autres qui nous entourent. Pourquoi ne pas chercher ensemble à trouver et à partager cette intensité du vivant plutôt que de rechercher à combler nos désirs individuels et devenir ainsi aveugle au partage de l’amour de la vie ?

Il n’y a aucune urgence de vivre. Il y a seulement une plus grande conscience de l’importance de vivre plus intensément ce que nous vivons. Plonger dans la conscience de l’intensité de la vie permet donc d’éviter de se perdre dans les multiples actions qui donnent une illusion de l’intensité.

La serveuse : Je vais faire ces quelques activités et ensuite je vais prendre un peu de temps seule avec moi-même pour faire le point sur ce que je veux vraiment. Je dois y aller, mes amies m’attendent. Merci et à la prochaine.

 

 

mardi 1 août 2017

Réenchanter sa vie




Le pêcheur se repose sur la galerie de son appartement en sirotant tranquillement une tasse de thé. Il reconnaît le passant qui marche sur le trottoir de l’autre côté de la rue et lui dit d‘une voix portante :

Le pêcheur : Bonjour monsieur. Cela fait un petit bout de temps que je ne vous avais vu !

Le passant : Et bien… si ce n’est pas mon viel ami toujours calme !

Le pêcheur : Avez-vous un peu de temps pour relaxer et jaser un peu avec moi sur ma nouvelle galerie. J’ai loué cet appartement depuis seulement deux semaine. Il me ferait plaisir de vous offrir un bon thé à la camomille ou tout autre chose.

Le passant : Bien sûr, je ne savais pas trop quoi faire aujourd’hui, alors j’ai décidé de prendre une petite marche pour me changer les idées. J’arrive !

Le passant prend bien soin de laisser passer quelques voitures, traverse la rue et monte les marches de l’escalier de bois vernis pour finalement s’assoir dans une vieille chaise en osier, tout de même assez confortable.

Le passant : Vous buvez du thé vous ! Par chez nous, c’est du café fort ou une bonne bière que les personnes prennent pour relaxer.

Le pêcheur : Et bien oui. Mon garçon est un grand connaisseur de thé vous savez, et il m’en a fait parvenir plusieurs sachets de différentes saveurs. Il m’a même dit que le thé est semble-t-il la boisson la plus bue au monde, après l’eau. Ma grand-mère pour sa part, lisait l’avenir dans les feuilles de thé. C’était une croyance très rependue dans son temps. Elle a cessé cette pratique lorsqu’elle a anticipé la mort de son fils et que cet événement se soit concrétisé dans la réalité.  Au-delà de ces anecdotes, personnellement j’aime bien l’effet apaisant d’une bonne tasse fumante et surtout la senteur subtile des différents aromes qui s’en dégage. Tout ceci a un effet calmant tout en étant très rafraichissant.

Le pêcheur verse le liquide chaud dans la tasse du visiteur et en ajoute un peu dans la sienne.

Le passant : Et bien…je vais essayer, mais je ne vous garantis pas que je vais boire tout le contenu de ce que vous me servez.

En prenant une gorgée du liquide de manière précipitée, le passant s’exclame d’une voix brusque :

Le passant : Ah…c’est chaud…et puis ça goûte les fleurs…c’est un peu amer. Merci tout de même.

Le pêcheur s’assoit à son tour dans l’autre chaise et dépose sa tasse sur la petite table. Il ajoute.

Le pêcheur : Alors vous me disiez que vous vouliez vous changer les idées. Est-ce trop indiscret de vous demander s’il y a quelque chose qui vous tracasse ?

Le passant : Je ne sais pas trop…Tout me paraît sombre de ces temps-ci. C’était le temps que je sorte de la maison, avec ma télé ouverte à longueur de journée, j’étais en train de devenir fou. Je n’en reviens pas de constater comment nous sommes bombardés de nouvelles qui font état de multiples meurtres, de corruptions, d’attentats terroristes, de déceptions envers les politiciens et les politiciennes. Les pertes d’emplois, les fermetures de commerces, la maltraitance des personnes âgées, des enfants ou d’animaux, les séparation et divorces ou encore la solitude, tout ceci n’est rien pour égayer notre vie. De plus, tout le monde a l’air sans entrain, stressés, maussades et sans égard envers les autres. J’en suis le meilleur exemple ne trouvez-vous pas ?

Le pêcheur : Vous avez bien raison, le monde est bien désenchanté en effet.

De répondre le pêcheur tout en évitant d’approuver la dernière question.

Le passant : Vous nommez cela être désenchanté vous…moi je pense que le monde est en pleine dépression…et pas seulement économique. Une sorte de déprime morale généralisée où plus personne n’est accroché à rien. Mais dites-moi, qu’entendez-vous par le monde est désenchanté ?

Le pêcheur : Je rattache le désenchantement à deux dimensions. La première c’est la déconnexion de l’être humain avec l’état d’enchantement qu’il avait en arrivant au monde sur cette terre. Chaque personne a goûté dans les premières journées, semaines, mois ou années de sa vie à une ouverture sur la découverte et l’émerveillement des couleurs, des sons, des visages. Le bébé veut toucher, goûter, découvrir tout ce qui l’entoure. L'élan, la passion et l’intensité qu’il met à se concentrer sur ce qu’il découvre, va se perdre graduellement au fil des années. C’est comme si l’être humain passait d’un état de nature d’émerveillement où tout parait enchanté, à un désenchantement.

Le passant : Pourquoi donc, perdons-nous cet état d’enchantement ?

Le pêcheur : Il est possible qu’avec les responsabilités, les devoirs à réaliser, le travail à effectuer, les problèmes d’argent ou autres, mais aussi les déceptions rencontrées par la personne sur son chemin, qu’elle finisse par perdre de vue l’état d’émerveillement dans laquelle elle baignait auparavant. C’est comme si cet état naturel s’endormait pour laisser place aux autres choses qui semblent plus importantes, aux multiples rêves, illusions et interprétation de la vie.

Le passant : Alors qu’en est-il de l’autre dimension du désenchantement ?

Le pêcheur : Je crois que dans toute l’histoire de l’humanité, l’être humain n’a jamais été exposé à autant d’informations. Bien que certaines soient positives et instructives, il y a une masse dominante de choses négatives qui sont présentées. Tous les exemples que vous avez mentionnés et bien d’autres encore sont exposés à tous et à toutes sans arrêt par une multitude de moyens de communications : radios, télévisions, médias écrits, revues diverses, médias sociaux, sites web, etc.  Même les bébés et les enfants sont de plus en plus affectés par ce climat de noirceur, de peur et d’atrocités indescriptibles. Nous sommes conscients des attaques terroristes en direct, des génocides, des meurtres, des conséquences des guerres passées et actuelles. Même si nous ne nous en rendons pas compte, tout ceci affecte le moral et la vitalité des personnes. Il en résulte un sentiment individuel et collectif de déprime, de colère, d’impuissance, d’intolérance et de perte de joie de vivre.

Le passant : Les choses n’iront certainement pas en s’améliorant. Nous sommes donc condamnés à nous maintenir dans une noirceur et une sorte de dégout de la vie alors. Est-ce qu’il y a au moins un moyen de s’en tirer, d’avoir un espoir quelconque de retrouver le sentier de l’enchantement ?

Le pêcheur : Je répondrai oui à cette question, mais il en va de notre volonté personnelle et collective. Ceci passe par le réenchantement volontaire de nos vies pour chacun d’entre nous.

Le passant : Comment réenchanter nos vies justement ?

Le pêcheur : Le réenchantement de la vie commence par une toute première prise de conscience, soit celle de constater que nous avons suivi les deux sentiers du désenchantement, que nous ne nous sentons pas bien dans des vies complètement désenchantées et que nous prenons la décision de nous mettre en action pour réanchanter nous-même notre vie.

Le passant : Pouvez-vous me donner des exemples de moyens ?

Le pêcheur : L’état de nature de l’enthousiasme n’est pas disparu, il s’est juste endormi comme je l’ai mentionné. Il est l’heure de le réveiller pour qu’il nous énergise à nouveau, ne croyez-vous pas ?

Le passant prend une gorgée de thé à la camomille, sans grimasser cette fois et maintien son attention sur ce que le pêcheur va ajouter.

Le pêcheur poursuit :

Le pêcheur : Nous pouvons retrouver cet état d’enthousiasme à nouveau en nous émerveillant face à la nature ou aux petites découvertes au quotidien. L’enchantement peut se retrouver aussi dans tout ce que nous pouvons créer par les arts comme la musique, la peinture, l’écriture, le théâtre, la danse, la construction, les activités sportives ou caritatives ou tout autre moyen expressif. Ce sont des portes ouvertes sur notre créativité et l’expression de ce qui est le plus vibrant dans le cœur de l’être humain.

Chaque moment de détente et les petits présents que nous offrons aux autres ou que nous nous offrons à nous-mêmes sont autant de moyens pour réanchanter notre vie. Si je reviens à ce fameux café à la camomille, juste de voir la vapeur s’échapper de ma tasse, de le boire et de discuter en bonne compagnie, tout ceci participe aussi à ce réenchantement de ma vie et peut être aussi un peu de la vôtre. Nous avons la possibilité de minimiser ces moments ou de les revaloriser et de comprendre que finalement, ils coopèrent à la joie de vivre et à un certain bonheur.

Le fait de remplacer nos pensées négatives pas de plus positives peut aider à couper nos habitudes de réactions désenchantées face à tout. La critique, la médisance, les plaintes de toutes sortes, les ragots, l’intolérance devraient céder leurs places à la valorisation, aux encouragements, à l’acceptation de la différence, à l’espoir et au courage de faire face à ce qui se présente. Ces attitudes sont davantage l’expression de force mises en actions et favorisent l’enthousiasme et la passion face à la vie.

Le passant : C’est vrai que ce point de vue est plus positif que de rester coincer dans nos croyances que tout est noir et qu’il n’y a plus rien à faire. Il en demeure tout de même qu’à grande échelle, ces petits bonheurs des individus ne peuvent pas régler les plus grands problèmes de notre monde malheureusement.

Le pêcheur : Je crois que nous vivons présentement dans une période charnière entre ce désenchantement et vers un possible réenchantement à l’échelle de notre monde. Plus les personnes vont ressentir individuellement le mal de vivre plus elles vont rechercher des moyens de se sortir de cette perception de la vie. Plus elles vont rechercher des moyens de rendre leur vie et celle des autres plus passionnantes, plus elles vont se mettre en mode créatif de chercher d’autres avenues. C’est à chacun de choisir de réenchanter sa vie et ceci à quelque niveau de la société où il se retrouvent.

Il est temps également que les personnes en responsabilité dans ce monde prennent conscience de leur capacité de réenchanter la vie. L’abolition des guerres et de la peur est possible. Il est possible d’offrir de l’eau pour tout le monde, de créer du travail pour tous, d’offrir des soins de santé et d’éducation à tous les habitants de cette planète. Il est possible d’instaurer des pratiques collectives qui valorisent la créativité, le respect, le partage et les échanges harmonieux. Tout ceci est possible individuellement et collectivement.

Le passant : J’aimerais tant que cela se réalise. Il me semble que c’est un travail titanesque de réenchanter le monde.

Le pêcheur : Le réenchantement m'apparaît à la portée de chacun. Il commence par moi et par vous.

Le pêcheur présente sa tasse devant lui en invitant le passant à cogner la sienne pour lui souhaiter la santé mais surtout une vie réenchantée.


 

 




L’attitude juste


Regardant s’éloigner l’homme. Le pêcheur poursuit sa réflexion intérieure sur l’attitude juste à adopter dans la présence. Il se dit en lui-même :


Le pêcheur : Juste vision, juste toucher, juste écoute, juste parole, juste sensation, juste action. Mais de quoi s’agit-il au juste ?


Et il poursuit cette discussion en lui-même :


Le pêcheur :  Contrairement à ce que nous sommes habitués de croire, le mot juste ici ne fait pas référence à quelque chose d’idéal. La vue idéale et la parole idéale renvoient à ce qui a de la valeur pour les personnes. Ce jugement de valeur nous éloigne paradoxalement de la réalité.


Le juste fait référence à la claire réalité sans le masque des jugements que l’on porte sur ce qui est. Si je prends un exemple d’une personne qui s’adresse à moi, l’écoute juste est la pleine écoute. Cette écoute est autant la pleine présence aux mots qui sont prononcés, qu’aux silences, aux pensées non dites, à l’intonation de l’interlocuteur, bref à tout ce qu’il est et tout ce qu’il présente ou non. La juste attitude d’écoute est cette pleine présence sans jugement, en complète ouverture avec ce qui est. Elle permet l’expression des autres et l’attention à ce qu’ils ou elles sont.


Les actions que nous effectuons peuvent avoir différentes qualités et intentions. La juste action est la pleine présence à ce que je suis en train de faire. L’attitude juste est cette position que je prends face à ce qui se manifeste. Tout ceci n’est pas interprété, n’est pas filtré par mes mécanismes mentaux et la personnalité qui juge ce que je dois faire et ce que je dois être.


Nous sommes capables d’interpréter, de juger et d’avoir une idée sur tout ce qui se présente à nous. Nous sommes habitués de tout penser dans notre vie. Ce qui est plus difficile mais en même temps beaucoup plus riche, c’est de découvrir ce qui est obscurci par ces jugements ou ces références réflexives. Découvrir, veut aussi dire retirer ce qui recouvre, rendre visible, retrouver ce qui était caché sous le voile de notre réflexion. Sans m’accrocher à la couverture des mécanismes mentaux qui recouvre tout, qui masque la réalité du vivant.


Plus je me rapproche d’une attitude juste de découverte directe en concordance avec ce qui est, plus j’accède à la richesse et au relief de ce qui se manifeste. Pour découvrir cette justesse, il faut que je décide moi-même de passer à l’action, de me placer dans cet état de conscience.


Le pêcheur se questionne sur l’importance des interprétations, des jugements et des descriptions que nous nous faisons de la réalité. 

Le pêcheur :  Toutes ces interprétations ne sont-elles pas nécessaires pour nous situer face à des dangers ou à des décisions que nous devons prendre en fonction de ce que nous en percevons ?

Il répond en lui-même :

Le pêcheur :  Nos mécanismes mentaux et notre mode réflexif sont des outils pour interpréter notre monde dans lequel nous vivons. Mais ils sont du même coup souvent biaisés, impliquent des erreurs, comportent des limites dans la connaissance de toutes les informations sur ce qui se présente dans notre vie. La justesse de nos jugements est souvent illusoire car elle contient des faussetés sur cette réalité. Nous prenons souvent des décisions basées sur une réalité obscurcie ou transformée par nos pensées et nos calculs mentaux.

Pour éviter d’être les victimes de nos propres modes interprétatifs, il est plus juste de les mettre en veilleuse quelques fois pour nous positionner dans une ouverture et découverte sur la réalité. C’est seulement dans ce contact le plus direct possible que nous en aurons une plus grande compréhension. Il sera toujours possible de nous servir par la suite de nos mécanismes mentaux et de notre réflexion pour trouver les actions appropriées aux événements et aux circonstances qui se présentent à nous.

L’attitude juste est donc un positionnement d’ouverture et de découverte. Elle permet l’élargissement de notre vie dans l’expression des multiples nuances du vivant qui étaient jusqu'à maintenant inaccessibles.



 

L’état d’émerveillement

L’homme : Je vous ai entendu parler de merveilleux à quelques reprises. Pouvez-vous m’en dire plus sur ce que vous entendez par émerv...