mardi 1 août 2017

Précisions sur le pêcheur sans pensée


Comme à tous les matins, l’homme se promène aux environs du quai pour humer l’air frais provenant de la mer et regarder les reflets scintillants du soleil sur les vaguelettes. Alors qu’il aperçoit le pêcheur assis au même endroit où il lui a parlé pour la première fois, il se dirige vers lui dans le but d’éclaircir les réponses qui ont fait échos à ses questions posées précédemment.

L’homme : Bonjour monsieur, il fait bien beau ce matin. Et il prend place sur les rochers.

Le pêcheur continue de regarder au loin sans broncher.

L’homme : Est-ce que je peux me permettre de vous poser quelques questions concernant ce que vous m’avez répondu il y a quelques jours. Ces réponses me reviennent constamment en tête et je n’arrive pas à les comprendre tout à fait. Je ne veux pas vous importuner mais je serais bien soulagé si vous pouviez y apporter quelques précisions.

Le pêcheur : Quelles sont donc ces réponses qui vous tourmentent à ce point ?

L’homme : Alors que je vous demandais à quoi pensiez-vous, ce que vous écoutiez ou ce que vous ressentiez, vous m’avez dit que vous ne pensiez pas. Vous avez même ajouté que vous étiez. Que vous étiez le son, le vent, les racine de l’arbre et même la personne qui est derrière les questions que je vous ai posées. Je ne comprends pas du tout ces réponses. J’ai toujours cru que les phénomènes comme le vent ou le son se présentent à nous et nous les saisissons par nos sens. Comment peut-on être ces phénomènes. J’ai aussi toujours vécu à partir des pensées qui se manifestaient dans ma tête et il m’apparait normal de demander aux autres personnes à quoi elles pensent pour les connaître davantage. Je ne saisis pas quand vous me répondez que vous êtes la personne derrière mes pensées. Vous ne pouvez pas être moi et vous ne pouvez pas être mes pensées, alors pourquoi répondre ainsi ?

Le pêcheur : Oh…effectivement, vous avez beaucoup de questionnements et d’incompréhensions sur ce que je vous ai dit. Je vous poserai une question à mon tour si vous me le permettez.

L’homme : Vous ne trouvez pas que j’ai suffisamment de questionnements ?

De rajouter l’homme en souriant.

Le pêcheur : Oui certainement. Mais je vais essayer d’éclaircir le tout en commençant par cette question. Est-ce que vous entendez le son du cri de l’oiseau au loin ?

L’homme : Attendez…oui, je l’entends. Le son est faible, mais j’arrive à l’entendre.

Le pêcheur : Très bien. Laissez ce son être, sans le qualifier de faible. Laissez-le venir jusqu’à vous sans l’interpréter.

L’homme : Je l’entends, mais je le perds à quelques moments.

Le pêcheur : Ne luttez pas pour l’entendre et même quand vous ne l’entendez pas, laisser venir à vous le son et l’absence de son.

Après quelques secondes, l’homme répond :

L’homme : D’accord… J’y suis.

Le pêcheur : Quand vous n’essayez pas de qualifier ou de lutter pour entendre ce son, est-ce que vous ressentez ce son en vous ?

L’homme : Que voulez-vous dire par ressentir le son ?

Le pêcheur : Est-ce que vous avez conscience de la présence de ce son en vous ?

L’homme : Oui, mais je suis porté à commenter ce son, à le qualifier de faible ou d’absent.

Le pêcheur : Nous sommes habitués de qualifier les sons ou tout autre phénomène. Cependant, qualifier le son, n’est pas être présent à ce son, c’est s’en éloigner.

Le pêcheur laisse quelques minutes de silence pour permettre à l’homme de faire la distinction entre son interprétation et le son lui-même.

L’homme ferme les yeux pour mieux se concentrer sur ce son.

Lorsqu’il ouvre les yeux, les traits de son visage manifestent la joie d’y être arrivé. Le son pu finalement se manifester en lui, sans qu’il ait à réfléchir à quoi que ce soit. Il ajoute :

L’homme : C’est fascinant. Je ne m’étais jamais arrêté à ressentir si directement les sons qui m’entourent. J’ai l’impression que le son d’un oiseau est différent du son que je percevais auparavant. Je n’entendais pas vraiment les véritables sons des oiseaux. Ceux-ci étaient obscurcis ou voilés par ce que j’en pensais, la façon dont je les décrivais en moi.

Le pêcheur : Oui… et il en va ainsi de tous les phénomènes qui nous entourent. Plus nous les réfléchissons, plus ils s’éloignent. Plus nous vivons dans l’illusion de leur interprétation, moins ils vibrent clairement en nous.

L’homme : Je n’en reviens tout simplement pas…c’est comme si je redécouvrais le monde qui se manifeste.

Le pêcheur : Ce n’est pas tout.

L’homme : Ah bon…car il y a plus que cela…c’est déjà beaucoup !

Le pêcheur : Ce son, est-il à l’extérieur de vous ?

L’homme : Il vient de l’extérieur…oui !

Le pêcheur : Est-ce que de dire qu’il vient de l’extérieur vous permet d’être pleinement présent à ce son ?

L’homme : Non. Je crois que je reviens encore à qualifier ce son d’extérieur. N’est-ce pas ?

Le pêcheur : Oui c’est juste. Quand vous ne qualifiez pas ce son d’extérieur, où est ce son ?

L’homme : Je le ressens en moi, il est en moi je crois !

Le pêcheur : Quand vous ne qualifiez pas ce son comme étant à l’intérieur de vous, où est ce son ?

L’homme un peu confus, mais bien déterminer à suivre le pêcheur dans sa démarche, il ne trouve toutefois pas de réponse à cette question…ou plutôt, il saisit que ce n’est pas dans la réponse mais plutôt dans la présence à ce son qu’il faut se situer. Il ajoute :

L’homme : Il n’y a pas de question à répondre car poser des questions et vouloir y répondre c’est déjà s’éloigner de son lui-même.  Je ressens le son, il vibre quand je suis pleinement présent à celui-ci. Il n’appartient pas à l’oiseau et il ne m’appartient pas non plus. Il est perception consciente.

Le pêcheur : Est-ce que ma réponse s’éclaircit tranquillement quand je vous disais que je suis le son.

L’homme : Mais, comment peut-on dire je suis le son. N’est-ce pas encore analyser ce son à partir de je suis ?


Le pêcheur : Le je suis en question n’est pas une référence à une pensée qui provient de ma tête. Ce Je suis est beaucoup plus large, il est la pleine présence à ce qui est. Le son est la manifestation du vivant et le Je suis est la conscience de cette manifestation. L’existant manifesté et l’existant ressenti dans la conscience de cet existant.

L’homme : Je crois que tout cela me dépasse un peu…je vais aller décanter et surtout expérimenter la pleine présence à ce qui est. Je reviendrai peut-être vous questionner à un autre moment sur ce Je suis, si vous le voulez bien ! Merci beaucoup de tout cet enseignement !

Le pêcheur : Ce n’est que la Vie qui se révèle à vous par votre propre présence à celle-ci.


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