jeudi 28 décembre 2017

Le pouvoir transcendant de l’attention

Le pêcheur se lève très tôt ce matin. Il a décidé de se rendre sous l’arbre près du quai pour voir le soleil se lever au-dessus de la mer. Après une courte, mais intense période de méditation, il enfile ses souliers de marche, sort à l’extérieur et prend le chemin vers l’endroit prévu.

Pas si tôt sur le trottoir, il respire doucement le doux parfum des feuilles d’érables entremêlé à l’arôme des fleurs de lilas transportés jusqu’à ses muqueuses nasales par une subtile brise d’été.

Après quelques pas, il baisse les yeux et s’aperçoit qu’une chenille arborant un doux manteau jaune et noir, se déplace en ondulant juste devant lui. Il la voit à peine, car seule la lumière d’un lampadaire éclaire l’insecte à cette heure matinale. Elle s’arrête comme pour le regarder, mais ce qu’elle fait est tout autre. Le pécheur s’accroupie sur ses genoux, comme pour mieux découvrir ce qu’elle fait réellement. Il se dit en la voyant plus clairement :

Le pêcheur : Elle ne me regarde pas du tout. Elle est en train de manger un petit morceau d’herbe. Je me suis fait prendre par les couleurs de son camouflage. J’ai eu le réflexe d’essayer d’expliquer moi-même ce qu’elle faisait, mais je me suis laissé étourdir par mes propres interprétations.  Et il poursuit : c’est fascinant de voir comment la vie s’exprime de multiples manières. J’ai ma réalité vivante et le monde animal et végétal ont aussi leur propre réalité. A travers cette diversité, c’est la vie, le vivant qui se déploie.

Après quelques secondes d’observation sans commenter ce qui se déroule sous ses yeux et les jambes quelque peu endolories, il se relève difficilement, évite de mettre son pied sur ce minuscule être vivant et continue sa marche.

Regardant au loin, il voit l’horizon qui découvre un mince filet de lueur annonçant lentement le lever du soleil. Plus il avance, plus il distingue les formes foncées des nuages se confondant avec les reliefs des montagnes. La clarté montante révèle graduellement d’elle-même la singularité des formes. Le pêcheur se fait la remarque.

Le pêcheur : Pourquoi je tente de définir et de décrire en moi-même, ce que la vie me présente dans toute sa générosité et ses propres nuances. À toutes les fois que je décris ce que je vois ou ce que je ressens, je limite par mes interprétations la Vie qui se manifeste.

Comme rythmé par chacun de ses pas l’amenant jusqu’au quai, la lueur se fait de plus en plus présente jusqu’à ce qu’il perçoive enfin le soleil lui-même surplomber la montagne au loin. Celui-ci éclaire maintenant le ciel et, dans un même mouvement, son reflet sur l’eau présente une large bande lumineuse bercée par les vaguelettes. Le cercle jaune céleste dansant ainsi avec le liquide terrestre.

Le pêcheur : Wouaw…quel présent magnifique m’est révélé ce matin par la puissance du déploiement de l’existant. De constater le pêcheur.

Alors qu’il rejoint l’arbre près du quai, un événement incroyable se produit. En regardant cet arbre, qu’il a pourtant vu de multiples fois, il le perçoit tout à coup dans toute sa plénitude. Il en voit les moindres détails et avec une clarté indescriptible. Il a même l’impression de transcender l’idée qu’il a de cet arbre, et de rejoindre celui-ci comme s’il en faisait partie et comme si ce dernier faisait partie de lui. Comme s’il était en osmose ou fusionné avec ce qui se présente devant lui. Cette intense expérience le transporte au sommet de l’embrassement de la conscience vivante qu’il ressent dans toute sa grandeur. Ceci lui procure simultanément un sentiment de profonde sérénité et de joie intense. Il a l’impression d’être la vie qui entre en pure intimité avec le vivant.

Alors que cette sensation diminue, il s’assoie doucement sous l’arbre et prend un moment pour s’essuyer les larmes qui ruissellent sur ses joues.

Le pêcheur : La luminosité du vivant ne passe-t-elle pas par cette attention transcendante ? de se questionner le pêcheur sur ce qu’il vient de vivre. N’avons-nous pas ce pouvoir à portée de main lorsque nous laissons l’attention s’ouvrir à ce qui est ?
 
 

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